Nos Prises de position

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NOS PRISES DE POSITIONS

De l’inceste dans le code pénal

« Dans toute société humaine, l’obligation d’être adulte, des êtres-adultes, repose sur l’intégration des interdits en tant que structures et représentations sur-moïques. Dès lors, même s’il est présent émotivement, l’interdit de l’inceste doit s’énoncer. » L’enfant victime d’inceste : de la séduction traumatique à la violence sexuelle, Yvez-Hiram Haesevoets

La loi du 8 février 2010

La loi du 8 février 2010 « tendant à décrire l’inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux » avait inséré un §3 dans la Section III – Chapitre II – Livre Deuxième du code pénal, intitulé « De l’inceste commis sur les mineurs ».
Y figurait un nouvel article 222-31-1 : « Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis au sein de la famille sur la personne d’un mineur par un ascendant, un frère, une soeur, ou par toute autre personne, y compris s’il s’agit d’un concubin d’un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait. »
Elle insérait également l’article 227-27-2 dans la section V – Chapitre VII – Titre II – Livre Deuxième du code pénal, relative à la mise en péril des mineurs. Cet article reprenait les dispositions du nouvel article 222-31-1 CP s’agissant des atteintes sexuelles.
Par ces nouvelles dispositions, le législateur avait décidé de ne pas créer une nouvelle infraction d’inceste mais instituait une nouvelle qualification applicable à des infractions déjà existantes (« les viols et agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux »). Ainsi, aucun changement relatif ni aux éléments constitutifs de l’infraction, ni aux peines encourues n’était intervenu. La circulaire d’application de la loi du 9 février 2010 parlait de « surqualification » pénale.

La non-conformité de la loi à la Constitution : la décision du 16 septembre 2011

Par une décision du 16 septembre 2011, le Conseil Constitutionnel a déclaré les articles 222-31-1 et 227-27-2 du code pénal relatifs à l’inceste contraires à la Constitution au regard du principe de légalité des délits et des peines et a abrogé ces articles à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité.
« Le principe de précision de la loi pénale impose que le législateur désigne précisément les personnes qui doivent être regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille. »
Sans contester au législateur le droit d’instituer une qualification pénale spécifique pour réprimer l’inceste, le Conseil constitutionnel a considéré que la définition retenue, qui visait les actes commis « au sein de la famille », impliquait indirectement une définition de la famille.
Or, souligne la décision, « le code civil ni aucun autre texte législatif ne donne une définition précise de la famille ».

Une nécessaire redéfinition des actes incestueux

Oedipe-roi de Sophocle rappelle aux grecs en 450 avant Jésus Christ que l’interdit de l’inceste est le garant de la démocratie. En effet, de l’apprentissage de cet interdit spécifique va naître en chaque être humain la conscience morale, individuelle et collective.
La prohibition de l’inceste est liée au principe fondateur qui est celui de l’exogamie. Il prône l’ « obligation pour une personne de chercher son conjoint à l’extérieur du groupe auquel il appartient ».
En droit civil, l’interdit de l’inceste fonde l’interdiction du mariage entre personnes de la même famille.
C’est pourquoi, pour répondre au conseil constitutionnel qui dans sa décision du 16 septembre 2011 indique que « La notion même d’inceste implique de définir une limite de proximité familiale au-delà de laquelle les relations sexuelles sont admises », nous proposons une nouvelle définition des actes incestueux :

« Les viols et autres agressions sexuelles commis sur la personne d’un mineur sont qualifiés d’incestueux lorsque l’auteur est lié, par les liens du sang :

  • en ligne directe : un ascendant
  • en ligne collatérale : un frère, une soeur, un oncle, une tante, un neveu, une nièce, issus d’un seul ou de deux parents communs. »

La loi du 5 mars 2007 * réformant la protection de l’enfance

La loi du 5 mars 2007 améliore et renforce la législation déjà existante de la protection de l’enfance.
Elle se présente sous forme de 40 articles en 5 titres :

  • Missions de la protection de l’enfance
  • Audition de l’enfant et lien entre protection sociale et protection judicaire de l’enfance
  • Dispositif d’intervention dans un but de protection de l’enfance
  • Dispositions relatives à l’éducation
  • Protection des enfants contre les dérives sectaires

Ses trois grands objectifs sont de :

  • Développer la prévention en matière de protection de l’enfance
  • Renforcer les dispositifs d’alerte et d’évaluation des risques de danger pour l’enfant
  • Mieux articuler la protection administrative et judiciaire de l’enfance, en utilisant des critères communs d’intervention, améliorer et diversifier les modes d’intervention.

Quelles sont les améliorations concrètes apportées par cette loi ?

Pour la prévention :

La loi impose la prévention comme une mission en matière de protection de l’enfance. Jusqu’alors, seul 4% des 5 milliards consacrés à la protection de l’enfance par les départements de France étaient destinés à la prévention. Elle devient concrète et s’articule autour d’un renforcement de la médecine scolaire, d’action renforcée de la PMI et surtout du suivi des femmes dés la grossesse avec notamment l’entretien proposé de manière systématique au 4ème mois.

Pour la protection :

La loi renforce le recueil des données préoccupantes et prévoit la création d’une cellule départementale de recueil des informations préoccupantes et d’un observatoire départemental pour les signalements d’enfant en danger, une meilleure coordination entre les services administratifs et judiciaires, autrement dit entre le Conseil départemental, les juges des enfants et les services d’aide à l’enfance.

La notion « d’enfant en danger » apparaît, permettant d’élargir les formes de maltraitance sur les enfants et les actions préventives. Deux nouvelles mesures concernant le mode de prise en charge sont créées, une « d’accompagnement en économie sociale et familiale » et l’autre de « mesure d’aide à la gestion du budget familial ».

L’accueil d’urgence est étendu, permettant d’accueillir les enfants fugueurs ou errants.

La loi apporte une nouveauté considérable dans la protection de l’enfance : une continuité efficace des interventions.

Dans la plupart des cas de maltraitances, les enfants ont déjà été en contact avec des services de protection de l’enfance ou des services pédiatriques hospitaliers. Le manque d’échanges d’informations et de travaux communs représente des risques énormes pour un enfant en danger, pouvant entraîner dans le pire des cas, la mort.

La loi du 5 mars 2007 prévoit le secret professionnel partagé. Autrement dit, le secret professionnel doit être partagé entre les professionnels tous soumis au secret (et uniquement eux) dans le but final de protéger l’enfant et lui venir en aide. Les parents et le mineur concernés en seront informés.

En conclusion, la loi du 5 mars 2007 constitue, pour les professionnels de l’enfance, une avancée fondamentale dans la prévention et la protection de l’enfance [en savoir plus]

Nos réserves

Des critiques peuvent cependant être formulées quand à l’application de cette loi. On constate en effet une diminution constante du temps passé auprès des familles et de l’enfant au profit de tâches administratives lourdes et toujours plus contraignantes.
L’enquête de la Cour des Comptes de novembre 2009 conduite auprès des administrations centrales des ministères de la justice et des affaires sociales, de départements, de tribunaux de grande instance et de cours d’appel dresse un premier bilan et met en évidence des difficultés sur plusieurs plans.

  • Le recueil et le traitement des informations : les informations traitées par les départements ont souvent du mal à parvenir jusqu’à ces acteurs, notamment celles connues du corps médical et éducatif.
  • L’offre de prise en charge : la prise en charge peut se faire soit en milieu ouvert soit au sein de structures d’hébergement, or dans les deux cas l’offre évolue trop peu et trop lentement.

De plus la qualité de la prise en charge est trop peu contrôlée. Par exemple, le suivi du temps passé auprès des enfants par les éducateurs sociaux est rarement effectué, et la définition même du contenu de l’intervention des travailleurs sociaux n’est ni formalisée ni encadrée.

Au final, le contenu et l’efficacité des mesures prises en milieu ouvert sont mal connus.

De fait, au-delà de l’intention de la loi, le parcours des enfants pris en charge par les politiques de protection de l’enfance reste beaucoup trop long et chaotique, notamment du fait du manque de moyens humains et financiers alloués à sa mise en oeuvre.
*Source : Conférence enfance : famille du 5 avril 2007 du Conseil général de l’Essonne

  • Le suivi de l’exécution des décisions de justice : l’état n’est pas organisé pour contrôler l’exécution des mesures qu’il ordonne.

 

 

Loi du 5 mars 2007 : la prévention et la protection de l’enfant
La loi du 5 mars 2007
constitue, pour les professionnels de l’enfance, une avancée fondamentale dans la prévention et la protection de l’enfant.

Définitions

  • Disparition de la notion de maltraitance au profit de la notion de « mineur en danger ou en risque de danger »
  • Disparition de la notion d’information signalant au profit de la notion « d’information préoccupante » (art 12)
  • Ajout de la notion de maintien des « liens d’attachement noués par l’enfant avec d’autres personnes que ses parents » (art 3)
  • Ajout de la notion de « développement physique, affectif, intellectuel et social » en sus de la notion d’éducation à l’art. 375 du Code civil (art.14)
  • Extension possible de la durée de l’accueil pour permettre à l’enfant de continuer à bénéficier des services de l’ASE

La protection de l’enfance a pour but (art.1er) :

  • De prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives,
  • D’accompagner les familles,
  • D’assurer le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs
  • De prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés de la protection de leurs familles et d’assurer leur prise en charge
  • D’intervenir pour des majeurs de moins de 21 ans connaissant des difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre

Prévention précoce

Le service de protection maternelle et infantile (PMI) est cité explicitement dans l’organisation administrative des départements (art.1er II.), avec de nouvelles interventions :

  • Un bilan de santé pour les enfants âgés de 3 à 4 ans
  • Un entretien psychosocial proposé de manière systématique et réalisé au cours du 4ème mois de grossesse
  • Des actions d’accompagnement qui s’avéreraient nécessaires à l’issue de cet entretien
  • Des actions médico-sociales préventives en direction des femmes qui viennent d’accoucher
  • Une visite médicale pour tous les enfants de 6, 9, 12 et 15 ans doit être organisée par l’Education Nationale

Cellule opérationnelle départementale de signalement (art.12)*

*Cette cellule est chargée de la transmission à l’autorité judiciaire

  • Appuyée sur la signature de protocoles avec le représentant de l’Etat, l’autorité judiciaire et tous les partenaires institutionnels concernés
  • Missionnée sur le recueil, le traitement et l’évaluation des informations préoccupantes
  • Capable de requérir la collaboration d’associations concourant à la protection de l’enfance chargée de la transmission à l’autorité judiciaire « si nécessaire » de l’information qui devient « signalement »
  • Chargée de collecter, conserver et transmettre de façon anonyme les informations préoccupantes à l’observatoire départemental et à l’ONED
  • Partage de l’information à caractère secret pour permettre l’évaluation (parents informés sauf si contraire à l’intérêt de l’enfant) (art.15)

L’observatoire départemental de la protection de l’enfance (art.16)

  • Recueille, examine, analyse les données relatives à l’enfance en danger
  • Est informé des évaluations du service Etablissement Enfance
  • Suit la mise en œuvre du schéma de l’enfance concernant ces établissements
  • Formule des propositions et avis sur la mise en œuvre des politiques de l’enfance rassemble des représentants des services du Conseil Général, de l’autorité judiciaire, des services de l’Etat, des représentants des établissements et services de l’Enfance et des associations œuvrant dans ce domaine
  • Établit des statistiques transmises à l’assemblée départementale, au représentant de l’Etat et à l’autorité judiciaire

Autres dispositions relatives à la prévention

  • Dispense de l’obligation alimentaire pour les enfants accueillis à l’ASE par décision de justice, pour une durée d’au moins 36 mois consécutifs au cours des 12 premières années (art.4)
  • La défenseure des enfants peut se saisir de situations émanant de toutes associations, de particuliers ou de parlementaires (art .7)
  • Accompagnement possible des parents dans leurs démarches auprès des établissements et services de l’enfance (art.19)
  • Légalisation – et obligation- d’une évaluation préalable à l’attribution d’une prestation de l’ASE (art.19)
  • Préservation ou restauration du lien avec le père dans le cadre de l’accueil d’une femme enceinte ou d’une mère d’un enfant de moins de 3 ans (art.22)

Autres dispositions relatives à la prévention, pour les professionnels

  • Formation (initiale et continue) obligatoire à la protection de l’enfance pour l’ensemble des personnels médicaux, paramédicaux, travailleurs sociaux, magistrats, enseignants, animateurs sportifs, culturels et de loisirs, agents de police nationale et municipale, gendarmes (art.25)
  • Les inspecteurs de l’ASE doivent avoir suivi une formation adaptée à l’exercice de leurs missions (art.25)
  • Reconnaissance des diplômes de travailleurs sociaux européens (art.28)

Les conséquences à long terme

Si les violences faites aux enfants sont considérées comme un problème majeur de santé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), ses conséquences restent pourtant encore trop souvent mises à l’écart de la plupart des analyses.

La maltraitance a pourtant fréquemment des conséquences durables, à la fois sur la santé physiologique et sur la santé psychique des victimes.

Pour mesurer la gravité de la maltraitance, il est donc nécessaire de prendre en compte ces différentes conséquences sur le long terme, que cela soit physique ou psychique et sur la société toute entière.

Les troubles de la santé sont des conséquences non négligeables des violences faites aux enfants, apparaissant sous forme de lésions ou d’atteintes physiques (troubles du sommeil, de l’alimentation, phobies…).
Quelles que soient les formes de violences faites aux enfants , qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles, elles ont très souvent des conséquences majeures sur le  leur développement , qui se traduisent le plus souvent par des propensions inégales au bonheur et aux souffrances, voire dans la reproduction de comportements violents sur soi-même ou sur les autres…

Rappelons cependant 80 % des parents maltraitants ont été des enfants maltraités, 80 % des enfants maltraités seront de bons parents.

Les différents spécialistes* de la question des conséquences à long terme de la maltraitance considèrent que :

  • La privation, autrement dit la maltraitance par négligence, peut engendrer chez l’adulte du désespoir voire un refus de vivre.
  • Les violences verbales s’impriment durablement dans la conscience des individus et peuvent engendrer par la suite un manque de confiance en soi, un rejet de son image et une perte d’identité.
  • Les violences sexuelles peuvent entraîner une importante négation de soi, pouvant être à l’origine d’états dépressifs voire suicidaires.

La maltraitance menace également un des processus les plus importants dans le développement normal de l’enfant : la transmission.

Les conséquences peuvent être dramatiques à la fois sur la construction de l’image et de l’identité de l’enfant et sur sa relation aux autres. Les difficultés relationnelles à l’âge adulte peuvent être symptomatiques de mauvais traitements durant l’enfance.

Les risques sont une conséquence d’une mauvaise acceptation de soi mais aussi des normes sociales à l’âge adulte est une conséquence fréquente des maltraitances.
De plus, la manifestation de comportements à risques une fois adulte, accompagnée d’une dégradation de la santé semble être une conséquence des phénomènes de maltraitance.

Vitesse en voiture, addiction à la drogue sont des exemples de prises de risques souvent rencontrées chez des individus ayant souffert de mauvais traitement étant enfant. Le rapport au danger, à la souffrance et à la vie semble être profondément marqué par un déni, une négation voire une indifférence forte.
*Gérard Mendel, Jacques Dayan, Georges Menahem, Maryse Esterle-Hedibel, Maryse Marpsat, Jean-Marie Firdion et Marcelline Gabel.